Dans

Echos / Random Goodbyes Moya Michael / David Hernandez / Jin Xing Dance Theatre

La danse comme vecteur d' expression culturelle

‘Echo’ et ‘Random Goodbyes’, présentées au KVS, sont deux pièces commandées par le Jin Xing Dance Theater Shanghai à Moya Michael, chorégraphe et "visage" du KVS. ‘Echo’a vu le jour en 2013, tandis que ‘Random Goodbyes’, créée en collaboration avec le chorégraphe David Hernandez et le Jin Xing Dance Theatre, pour célébrer le 20e anniversaire de ce dernier, a débuté en 2019. Cependant, sa progression a été interrompue par la pandémie COVID-19, et la première à Shanghai n'a pu avoir lieu qu'en novembre 2023. Dans ce double programme, le mouvement et la musique s'associent pour créer une atmosphère hypnotique, incitant le spectateur à se laisser porter par les émotions et les événements, offrant une expérience à la fois immersive et propice à la contemplation.

Echos / Random Goodbyes
Lodie Kardouss KVS Bol, Brussel meer info download PDF
10 februari 2024

 

Fondée en 1999 par la célèbre danseuse et chorégraphe transgenre chinoise Jin Xing, la compagnie est pionnière dans le domaine de la danse moderne en Chine continentale, tout en se produisant régulièrement à l'étranger. Elle est réputée pour son répertoire où entrent en jeu les conflits culturels orientaux et occidentaux, ainsi que pour ses adaptations dansées de classiques du théâtre et de l'opéra. 

‘Echo’ est une création de la danseuse et chorégraphe Moya Michael, originaire de Johannesburg en Afrique du Sud et résidant désormais à Bruxelles. Cette pièce pour sept danseuses de la compagnie de Jin Xing, présentée au KVS, est une version abrégée de l'œuvre originale plus vaste.

La construction chorégraphique de la pièce se déploie telle une série de tableaux vivants dépeignant diverses interactions entre femmes et repose principalement sur des figures qui émergent du groupe pour révéler leurs différentes personnalités tout en contribuant continuellement à la cohésion de l'ensemble qu'elles forment.

Vêtues de longues nuisettes de satin conçues par Jin Xing, ces femmes ont une allure théâtrale évoquant les danseuses du Tanztheater Wuppertal, mais sans bien sûr le désarroi associé à l'Allemagne d'après-guerre.

L'arrangement musical d'Anyal Zhang, qui combine les bruits de trains et le ruissellement de l'eau, génère une texture sonore à la fois bourdonnante et mélodieuse. Cette ambivalence est perceptible dans les expressions faciales et dans les mouvements des danseuses, ce qui nourrit l'interprétation de leurs personnages.

Chaque femme du groupe a sa propre trajectoire, mais elles sont toutes interconnectées, comme le suggèrent les mouvements d'unisson et de transmission. Les gestes sont continus, circulaires et amples au niveau du buste, parfois vifs et tranchants, mais toujours fluides et exécutés avec grande précision. 

    'Echos' vise à générer des images poétiques et à imaginer des récits légèrement théâtraux    

Plutôt que de susciter une réflexion conceptuelle approfondie, la pièce vise à générer des images poétiques et à imaginer des récits légèrement théâtraux sur les relations entre le groupe et l'individu. L'œuvre se déploie ainsi comme un paysage émotionnel dans lequel le spectateur peut trouver un certain écho à sa propre histoire.

Dans cet univers scénique, les danseuses se livrent avec intensité et expressivité, abandonnant l'abstraction et la neutralité souvent observées dans les productions de danse contemporaine en Europe. L'interprétation des danseuses influe considérablement sur la manière dont nous percevons le contenu. Bien que l'expressivité puisse paraître légèrement démodée pour un public européen, cela demeure intéressant du point de vue de la valeur culturelle que nous lui accordons et de nos critères en matière d'art vivant.

‘Echo’ ouvre la voie au deuxième opus, ‘Random Goodbyes’, caractérisé par sa tonalité sombre, mais fluide, réalisé en collaboration avec le chorégraphe américain David Hernandez, résident à Bruxelles depuis près de 30 ans.

Entre ces deux pièces, un chaleureux accueil est réservé à Jin Xing par le directeur artistique du KVS, Michael De Cock. Tous deux se présentent devant le rideau pendant le changement de plateau. Jin Xing, une véritable star en Chine, prend la parole en avant-scène pour rappeler que sa compagnie est totalement indépendante et autofinancée. Elle souligne qu'elle réinvestit tous ses fonds dans sa compagnie depuis 25 ans, offrant des contrats annuels à ses danseurs grâce aux revenus générés par les émissions de télévision qu'elle anime et à sa grande popularité.

Cet intermède, bien que quelque peu inhabituel pour un public belge, a été favorablement accueilli. Il met en scène un personnage haut en couleur et plein de caractère, révélant également la présence d'une importante communauté chinoise au KVS, fervente admiratrice de Jin Xing. 

‘Random Goodbyes’ réunit 9 danseurs du Jin Xing Dance Theater ainsi que 5 danseurs étrangers originaires de France, d'Italie, de Grande-Bretagne, des États-Unis et d'Australie. Cette pièce, tout comme la précédente, est agencée de façon à susciter des images poétiques et à créer des récits empreints d'une touche théâtrale.

‘Random Goodbyes’ évoque un univers bien défini : un passage piéton constitué d'une alternance de larges bandes de lino noir et blanc s'étend sur toute la largeur de la scène, rappelant ainsi, d'une certaine manière, celui immortalisé sur la célèbre pochette de l'album "Abbey Road" des Beatles.

Le passage piéton est emblématique de la vie urbaine et de sa routine quotidienne, mais aussi du processus métaphorique de transition d'un état à un autre. Il incarne tout autant la sécurité, le respect des règles et la rupture de flux, que le mouvement, la traversée et l'interaction entre les personnes.

La lumière bleue qui parcourt l'espace tel un phare dans la nuit, ou qui évoque celle balayant une cour de prison dans l'obscurité, nous invite à explorer les divers univers que ces images évoquent en nous, et à laisser libre cours à notre imagination.

    ‘Random Goodbyes’ était dédiée à la population chinoise, au monde et à ce que nous avons tous traversé pendant la pandémie     

L'annonce de Jin Xing selon laquelle ‘Random Goodbyes’ était dédiée à la population chinoise, au monde et à ce que nous avons tous traversé pendant la pandémie a certainement influencé notre perception de la pièce. Cependant, les autres éléments du spectacle, tels que la fusion des cultures orientales et occidentales dans ce casting mixte, la chorégraphie, la musique, la scénographie et les lumières, jouent un rôle essentiel dans la façon dont nous expérimentons et comprenons la pièce.

Dans ce contexte, le matériel chorégraphique se déploie tout au long de la pièce, mettant en évidence la signature gestuelle et esthétique distinctive de David Hernandez, démontrant sa capacité à communiquer efficacement par le geste. La précision et la lisibilité du mouvement dans le corps des danseurs suscitent une réaction d'appréciation chez les spectateurs passionnés de danse. Un bel exemple est le solo silencieux exécuté au milieu de la pièce par Colat Lucot, un interprète de longue date de David Hernandez.

Sur scène, les récits individuels et collectifs des danseurs s'entremêlent, offrant une expérience visuelle et sensorielle riche. Cependant, certains passages chorégraphiques répétitifs altèrent le rythme global de la pièce.

La fin de la pièce présente l'image d'un personnel infirmier en blouse blanche, peut-être la personnification de la mort, récupérant des corps inanimés. Pendant ce temps, un personnage continue de danser avec fougue, ignorant les avertissements d'un autre sur un danger imminent. Ce rappel excessif du ballet classique, où la danse triomphe malgré l'adversité, constitue un procédé descriptif un peu trop explicite.

Cela soulève la question de savoir si la collaboration entre deux chorégraphes invités au sein d'une compagnie dirigée par une artiste aussi renommée que Jin Xing rend délicate l'unification de la vision créative et des choix artistiques.

On notera toutefois un moment préalablement marquant où tout le groupe entre en contact physique, tandis qu'une danseuse escalade ses partenaires comme des marches pour atteindre un sommet imaginaire, évoquant figurativement, mais poétiquement une grande respiration collective.

Raconter des histoires avec une dimension théâtrale présente l'avantage de rassembler un public plus diversifié. Cependant, elle peut laisser indifférents certains qui ont besoin d'une stimulation plus analytique ou d'une esthétique plus neutre, plus proche des normes européennes. Malgré cela, grâce à sa réalisation de qualité, ce double programme offre une occasion unique d'explorer et de mettre en lumière les différents langages, conventions, modes et codes culturels présents dans le domaine artistique, enrichissant ainsi notre compréhension et notre appréciation de la diversité.

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