Dans

La nuée Nacera Belaza

Obscurité(s)

                                La chorégraphe franco-algérienne Nacera Belaza s'est inspirée de son expérience du pow-wow, rassemblement festif organisé chaque année par et pour les Autochtones aux États-Unis, pour réunir ses deux motifs de prédilection : le cercle et le rythme. Explorés séparément dans les spectacles ‘Le Cercle’ (2019) et ‘L’Onde’ (2021), présentés à Bruxelles lors des derniers KFDA, sa dernière création ‘La Nuée’ (2024) pour 6 interprètes, est la synergie de ces 2 principes de recherche. ‘La Nuée’ plonge le public dans une obscurité quasi-totale pour une expérience rituelle intense d'une heure. La vibration est forte, peut-être trop forte. Ce spectacle met en valeur le talent technique des danseurs, qui répondent brillamment à la vision de la chorégraphe, même si la facture chorégraphique est un peu déconcertante.        
La nuée
Lodie Kardouss La Raffinerie, Brussel, in het kader van Kunstenfestivaldesarts 2024 meer info download PDF
16 mei 2024

L’obscurité s’abat sur la scène et sur les spectateurs assis sur les quatre côtés d’un grand plateau vide. Ce noir absolu, une sorte d'hypernuit, est l'identité de la pièce. Tout au long de la performance, la lumière - ou plus précisément l'absence de lumière, avec toutes ses nuances - régit l'espace et, d'une certaine manière, notre perception du temps.

L'espace est défini par un vaste cercle central faiblement éclairé, occupé successivement de l'intérieur et de l'extérieur par un ou plusieurs danseurs. En l'absence de repères visuels pour nous aider à évaluer le passage du temps, nous ressentons une dilatation temporelle, où chaque instant semble durer plus longtemps qu'en réalité. L'expérience de cette ambiance mystérieuse nous confronte à notre propre capacité d'autorégulation et génère parfois un sentiment d'anxiété, même si elle offre aussi la possibilité de dépasser ses propres limites.

C'est dans cette épaisse pénombre - créée par Belaza elle-même, en plus de la chorégraphie et de la conception sonore - que l'on découvre une silhouette, toute de noir vêtue, qui pivote sur elle-même à toute allure tout en tournoyant dans l'espace confiné du cercle. La vitesse combinée à l'obscurité fait qu'il est pratiquement impossible de déterminer dans quel sens le personnage tourne, ou même s'il change de rotation en cours de route. Par la suite, la découverte de nouvelles ombres mouvantes sur le plateau ouvre un vaste monde imaginaire d'hallucinations et d'âmes errantes. C'est aussi saisissant de beauté que déstabilisant.

Ces spirales obsédantes sont accompagnées d'une mélodie lancinante et d'effets sonores répétitifs rappelant des travaux de construction. Sur ce rythme entêtant, l’interprète, lancé comme une toupie vrombissante dans son enclos de lumière voilée, génère une tension incroyablement palpable, laissant présager une suite prometteuse à la performance. 

Le choix de dévoiler une proposition chorégraphique qui a un impact significatif et immédiat sur les perceptions et les émotions de ceux qui la vivent entraîne naturellement des attentes élevées en ce qui concerne le développement de la composition et l'engagement scénique des performeurs.

    Les impressions visuelles laissées sur la rétine sont indéniablement puissantes.    

Les danseurs incarnent avec grâce et détermination l'exercice physique auquel ils se livrent. Qu'ils évoluent ensemble ou séparément, ils adoptent un enchaînement de spirales, de relâchements, de petits sauts et de rebonds qui est à la fois exigeant et répétitif. Leur exécution est fluide et précise et, étonnamment, ne présente aucun signe de vertige ou de désorientation.

Si le rituel a été mis en place avec succès, la multiplication des black-out - une dizaine sur la durée de la représentation - pour passer d’un tableau à un autre, semble viser à introduire du nouveau plutôt qu'à prolonger ce qui a précédé et perturbe à la fois le principe de continuité dans la composition de l'œuvre et notre lien avec elle.

Dans cette atmosphère anxiogène, la bande sonore à plein volume de fragments de voix et de tambours, crée en outre un climat de violence permanente. L'occupation continue de l'espace-temps laisse peu de place à l'intégration de l'expérience à laquelle nous assistons et nous donne sur la durée la sensation d'être envahis par la structure, sans possibilité d'y échapper.

Les impressions visuelles laissées sur la rétine sont indéniablement puissantes et, à cet égard, le résultat est à la fois visuellement et techniquement soigné. Si la proposition artistique, articulée autour du cercle et du rythme, est bien précise, la profusion de séquences dans cette atmosphère stridente m'a empêché de me connecter émotionnellement à la pièce, ne trouvant plus l'espace en moi-même pour ressentir la vulnérabilité et l'humanité essentielles à la fois au rituel et à l'expérience de l'œuvre vivante.        

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