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‘UNARMOURED’ signifie littéralement ‘sans armure’. La ligne directrice de la créatrice est de réinvestir son corps d'une forme d'érotisme, de désir et de sensation physique en se libérant des limites conventionnelles et sociales, ainsi que du regard et du jugement des autres. Pour aborder ces thèmes liés à la sexualité et à l'identité de genre, Furey s'est entourée d'un groupe d’artistes queer engagés dans ces réflexions, Be Heintzman Hope, Brian Mendez et Justin De Luna.

Nous sommes plongés dans un auditorium sombre, envahi par une épaisse fumée. Une lumière verte, rappelant l'éclairage nocturne d'un système de vidéosurveillance, donne l'impression que le lieu est sous observation. Un cyclo noir, placé à l'avant de la scène, est abaissé à environ un tiers de sa hauteur, créant un espace scénique négatif, une sorte de conteneur aux parois invisibles.

Les effets lumineux de Paul Chambers, présents sur scène tout au long du spectacle, créent une atmosphère dense et pénétrante. Parallèlement, la musique électronique et le son spatialisé de Tomas Furey (Twin Rising) soutiennent parfaitement la vision artistique de la chorégraphe, servant de colonne vertébrale à la pièce, encourageant la liberté que les corps veulent prendre. 

'UNARMOURED' est impossible à décrire en termes linéaires, narratifs ou théâtraux. C'est une pièce immersive qui se concentre sur l'engagement des sens et l'expérience personnelle du spectateur. Plutôt que de guider le public à travers un récit structuré, la chorégraphe le plonge dans une atmosphère riche en vibrations, favorisant différentes formes d'interconnexion entre les corps. Le lâcher-prise joue un rôle central dans l'appréciation de la proposition artistique globale.

Avec son équipe de performeurs, Clara Furey explore les espaces d'expression corporelle et leurs interactions à travers des pratiques qui touchent aux univers de l'érotisme, de la guérison, du tantra ou de la parade. Ces approches font du corps un lieu de transmission à la fois expressif et réceptif.

En intégrant la sensualité à leur vision du monde et à leur propre identité, ils se livrent à différents états érotiques. Le matériel chorégraphique est composé d'ondulations fluides et explicites du bassin vers le buste, d'auto-caresses, de doigts dans la bouche, de chocs corporels, de jeux physiques impliquant l'immobilisation des parties du corps de l'autre ou de relations initiateur/initié par le toucher ou le regard. Cette célébration de la physicalité et de l'expérience sensorielle renforce leur lien avec leur propre corps et celui des autres, tout en préservant leur autonomie dans le désir.

Progressivement, dans un unisson puissant, les interprètes se muent en ‘warriors’ de la chair, incarnant la densité, la résistance et la persévérance. Leurs mouvements sont déterminés, mais totalement liquides, empreints d'une dimension sexuelle assumée, sans être vulgaire ou pornographique. 

    Même si la chorégraphie ressemble à une extase improvisée dans une rave, elle est très écrite.    

Tout au long du spectacle, leurs présences et leurs interactions nous invitent à nous imprégner de leur univers pour faire émerger des réflexions sur la sexualité, la proximité physique et émotionnelle, le toucher, le consentement, la domination, la soumission, le désir, les identités multiples, la résolution de conflits et l'expérience partagée. 

C'est un exercice confrontant, car en tant que spectateurs - en l'occurrence voyeurs, puisque nous ne participons pas corporellement à cette recherche d'état - nous devons être prêts à nous refléter dans nos propres conflits et malaises, nos hontes et nos peurs de l'intimité, au sens le plus large du terme, afin d'apprécier le parti-pris.

Les corps ne semblent jamais s'essouffler, la tension physique et rythmique est omniprésente, et même si la chorégraphie ressemble à une extase improvisée dans une rave, elle est très écrite. Pour un créateur, présenter une œuvre basée sur l'expérimentation scénique d'un sujet quelque peu tabou demande du courage, car il prend le risque que le public passe à côté de son propos ou évalue l'œuvre d'une manière moralisatrice.

‘UNARMOURED’ est un voyage au cœur de l'intime, et comme tous les voyages où nous ne sommes pas les conducteurs, nous devons être prêts à nous laisser entraîner, et accepter que l'excitation de la destination et la complexité du chemin puissent nous submerger, nous agacer, nous enthousiasmer ou nous amener à réfléchir, chacun à son niveau.